Aller au contenu

_OLD_Le voyage vers Magadan Kim Hoang

L’itinéraire vers Magadan

« J’ai posé mon doigt sur une carte et je l’ai fait glisser le long de la seule route qui partait vers l’est. Cette route va vers un bout du monde, vers un lieu dont je n’ai jamais entendu parler. Au-delà, on trouve encore des péninsules et des iles, mais aucune route, aucun chemin n’y mène. Après, il n’y a plus rien. C’est une fin du monde. Ou peut-être un commencement. C’est pour moi la destination parfaite. Il ne m’en faut pas plus pour me décider : j’irai vers l’est, aussi loin que je le pourrai, jusqu’au bout du continent. J’irai à Magadan ». Kim Hoang.

La moto

« L’Hirondelle, qui paraissait fine et gracieuse, s’est endurcie. Des protections sont venues renforcer sa capacité à supporter les épreuves. Elle s’est dotée de pièces en métal, d’arceaux, de compartiments spéciaux, d’un dispositif électrique plus performant, d’un pare-brise, de repose-pieds stables, de suspensions plus dures, de pneus tout-terrain, tout cela sans prendre trop d’embonpoint. Dans sa livrée bleue et grise, elle est plus belle que jamais. »

Rencontres

« Le village a été habité douze-mille ans, sans discontinuer. La nouvelle génération a déserté les lieux. Douze-mille ans et c’est la fin. Dans quelques années le village ne sera plus que rochers troués et amas de pierres. Plus personne n’y vivra. Est-ce le signe que nous sommes, à l’échelle de la planète, à un tournant critique ? Plus radical, plus déterminant que tout ce que ce village a pu connaitre en l’espace de douze-mille ans ? Est-ce la fin d’une époque ? La fin d’un cycle ? La Fin tout court ? » Jour 36, Iran.

 

« La troupe de jeunes gens musclés et à la mode, belles gueules, chemises moulantes, parait totalement déplacée dans ce paysage de grottes et de maisons aux pierres ancestrales. » Jour 36, Iran.

 

«C’est une des plus belles journées du voyage, à errer avec l’Hirondelle dans les ruines de l’ancienne Merv. Le site est immense et quasi désert. Les troupeaux de dromadaires qui y déambulent m’offrent de belles photos. » – Jour 50, Turkménistan.

 

« Ici ou là, une tortue terrestre se promène sur le sable brûlant, laissant derrière elle de longs sillons pointillés. » – Jour 58, Ouzbékistan.

 

« Certaines sections ne sont pas approvisionnées sur trois ou quatre cents kilomètres. Nous faisons le plein dans des stations-service, des cabanons où des pompistes sans pompes remplissent nos réservoirs au seau et à l’entonnoir. » Jour 81, Tadjikistan.

 

« En m’enfonçant plus profondément dans l’Altaï, je pénètre dans un monde toujours plus secret. Au coin d’un ruisseau, se dresse un totem avec une face mi-homme mi-chouette. Les arbres ont les branches fleuries de rubans colorés. J’ai comme le sentiment d’une présence. » – Jour 113, Russie.

 

« Légèrement en surplomb du lac Ureg Nur, j’ai une plaine pour moi tout seul. Je ne la partage ce soir qu’avec les morts : un peu plus loin demeurent les vestiges de tombes anciennes. Dans cette steppe sans arbres et sans fin, j’aurai l’âme des défunts pour seule compagnie. » – Jour 115, Mongolie.

Emerveillement

« Derrière l’église, la terre de l’ile est un havre de paix qui emplit l’âme de ceux qui la foulent. Ici, il n’y a pas de place pour l’indifférence, même pour les âmes les plus insensibles. Les stèles gravées s’étalent parmi les pruniers en fleurs. Les unes carrées, en pierre foncée, à demi recouvertes de mousses et de lichens sont encore debout. D’autres, rectangulaires et blanches, gisent pêle-mêle au sol, comme si on les avait jetées là dans un harmonieux désordre. » – Jour 19, Turquie.

« Les ruines du temple sont des empilements de pierre assez quelconques, mais le cadre montagneux et le lac volcanique aux eaux cristallines en font quelque chose d’exceptionnel. La neige recouvre les bords du cratère, les sommets environnants, les champs sur les coteaux. Elle confère au site un éclat fantastique. Deux longues heures durant, je me laisse pénétrer par le mystère du lieu en errant dans les ruines à pas lents. » – Jour 26, Iran.

 

« Arrivé à Soltaniyeh, je suis vivement impressionné par la grandeur et la force qui se dégagent du mausolée mongol. Posé au centre d’un plateau au cœur de montagnes, le dôme bleu se voit à plusieurs kilomètres à la ronde. » – Jour 25, Iran.

« Je foule le grand escalier où les lions attaquent les chevaux, où les peuples défilent pour rendre hommage au Grand Roi. Au soir tombant, la lumière rase les bas-reliefs, les hommes de pierre prennent de la profondeur et semblent sortir de la pierre dans un défilé sans fin pour une dernière offrande avant la nuit. »  – Jour 33, Iran.

 

« Il ne reste de la grande cité de Shapur, Roi des Rois, puissant parmi les puissants, régnant sur son immense empire, qu’un grand terrain vague. Juste quelques tas de pierres frappés d’un soleil de plomb et habités par de gros lézards bleu-vert. On oublie à quel point le pouvoir et la gloire sont éphémères. » –  Jour 35, Iran.

 

« La ville de Mahan est célèbre pour ses jardins perses à l’ancienne. Celui de Fin en est la plus belle illustration. Passionné de jardins, j’ai fait la route jusqu’ici pour voir cette merveille. Les longues allées aux fontaines turquoise bordées de cèdres débouchent sur des palais en de belles perspectives. » – Jour 37, Iran.

 

« Après la traversée de trois déserts, la vie paisible de Boukhara est une oasis pour l’esprit et le corps. Les mûriers blancs sont chargés de grappes. Il suffit d’étendre mollement le bras pour récolter les baies par poignées entières. » – Jour 55, Ouzbékistan.

 

« Pour nous délasser encore un peu, nous décidons de renouveler l’expérience dans un autre lac, tout proche, plus petit et plus abrité. Ses eaux limpides, repérées lors de notre ballade de l’après-midi, nous ont paru prometteuses. Un homme court après nous et nous rattrape. Le lac, nous dit-il aussi ennuyé qu’essoufflé, est réservé au président. Ce serait un délit d’y pêcher.  » – Jour 76, Tadjikistan.

 

« Le matin, nous sillonnons l’ile à travers les steppes sablonneuses et les bosquets. Nous faisons un arrêt au Rocher du Chamane, un énorme bloc de pierre surgi du lac. Sa disposition très particulière en a fait un endroit magique. » – Jour 145, Sibérie.

Epreuves

« Des problèmes électriques se sont manifestés au cours des derniers jours. Ils sont reconnaissables à plusieurs symptômes : faux contact sur un éclairage de tableau de bord, remise à zéro intempestive de l’horloge et, aujourd’hui, panne de l’alimentation du GPS. » – Jour 9, Turquie.

 

«Je traverse des paysages lunaires où le froid s’intensifie. Mais je suis loin d’avoir prévu ce qui m’attend plus haut : il a neigé pendant la nuit. » – Jour 26, Iran.

 

« Cela fait deux jours que l’Hirondelle attend au garage. Nous n’avons toujours pas de solution. » – Jour 69, Ouzbékistan.

 

« Après une vingtaine de kilomètres de piste détrempée couverte d’une boue glissante, avant même d’arriver au col qui nous permettrait de sortir de la vallée, un grand névé s’étire sur la route pour nous barrer le chemin. La pluie et le vent sont glacés. » – Jour 89, Kirghizstan.

 

« La traversée du Kazakhstan est longue. Interminable. Mon GPS indique la distance jusqu’à la frontière russe : 1087 km. Une réalité qui me déprime. » – Jour 111, Kazakhstan.

 

« Bientôt, la piste n’en est plus vraiment une. Elle devient trop étroite pour être carrossable. Sur deux roues, nous passons encore. Mais quelques centaines de mètres plus loin, elle continue à rétrécir, au point d’en devenir un chemin d’homme ou de bête qui se perd dans l’immensité de la vallée. » – Jour 84, Tadjikistan.

 

« La piste se fait de plus en plus mauvaise, le sable, plus profond. Dans un petit virage, où le terrain est particulièrement mou, j’essaie de ralentir alors que j’aurais dû accélérer. Ma roue avant se met en travers, c’est la chute. » – Jour 116, Mongolie.

 

« Un peu plus tard, je remarque que mon pneu arrière est crevé. Je trouve une boutique de réparation de pneus comme il y en a dans chaque village en Sibérie. Ma roue est détachée » – Jour 136, Sibérie.

 

« Sur la BAM, la traversée des rivières pose un véritable problème : les ponts sont parfois en bon état, mais souvent à demi ou totalement effondrés. Ce qui ne laisse que deux options : traverser à gué, si les conditions le permettent, ou emprunter un des ponts du chemin de fer – ce qui est strictement interdit.  » – Jour 148, Sibérie.

 

« Le travail est pénible : couché par terre, je dois agrandir les trous dans un profil d’acier de grande épaisseur. L’accès est difficile, la course possible de ma lime très limitée. Mon outil n’a pas de poignée. L’attaque incessante des moustiques ne rend pas le travail plus plaisant. Malgré l’épaisse couche d’antimoustique aspergée sur mes mains, mon visage et mes vêtements, ils me harcèlent sans me laisser le moindre répit. » – Jour 147, Sibérie.

 

« Il faut dire que toute la Sibérie orientale est officiellement en état d’alerte à cause des pluies diluviennes qui se sont abattues ces dernières semaines. » – Jour 158, Sibérie.

Motos rencontrées

« Yura et Vassili allument les guirlandes de LED clignotantes qui équipent leurs motos, les transformant ainsi en sapins de Noël. Elles sont équipées d’un système complet de lecteur MP3 et de haut-parleurs. » – Jour 105, Kazakhstan.

 

 

« Dans l’ambiance de musique metal, de bières, de faisceaux laser et de fumigènes, les trois modèles phares de l’année sont dévoilées. » – Jour 105, Kazakhstan.

 

 

« Les valises rigides en aluminium ont l’avantage d’être verrouillables, étanches et d’offrir une bonne protection à ce qu’elles contiennent. Les détracteurs leur opposent des valises souples en tissu, plus légères. » – Jour 28, Iran.

 

 

« Rustam-Mowgli a son échoppe dans les faubourgs de Tachkent. Deux sportives Kawasaki sont déjà là. La première est la sienne, la seconde, celle d’un client. Il en a refait tout le moteur à partir d’un vieux bloc et de pièces détachées.» – Jour 69, Ouzbékistan.

 

 

« Avec mes talents limités de mécanicien, j’aide Noah et Kurt dans la réparation de leurs moteurs. Là, un embrayage, ici un réglage de jeu aux soupapes. Là, une vidange de radiateur, ici, une fuite à colmater. »  – Jour 141, Sibérie.

 

 

« Les choses se passaient bien, nous partagions une boite de sardines et entamions la conversation avec un Sibérien des bois en side-car Ural… » – Jour 148, Sibérie.

 

 

 

« En chemin, nous croisons Robert, un Croate sur une Honda Transalp surchargée, lui aussi en route pour Vladivostok. » – Jour 158, Sibérie.

 

 

« En Russie, les bikers voyagent souvent avec des budgets réduits. L’entraide est une règle incontournable. Lorsque nous arrivons à la nuit, Sergueï nous attend déjà avec un bon diner préparé par son épouse et une bouteille de vodka. »  – Jour 158, Sibérie.